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Des voix pleines de reconnaissance

par Gabrielle Larocque


Collaboratrice de l'Hippocampe


Septembre 2021



Je suis avec Batone, médiateur d’Exeko, et on se promène avec la idAction mobile pour aller à la rencontre de personnes en situation d’exclusion sociale. C’est le début de l’automne. Il fait chaud.


Ces personnes témoignent des trajets d’abondance, des ressources de toutes sortes qui s’offrent à elles.


En quelques kilomètres parcourus, dans le «Triangle des Bermudes» au centre duquel il y a Émilie-Gamelin, on trouve nourritures, vêtements, soins, sécurité, amitiés, drogues et médicaments.


«Mon ennemi dans le coin, devient aussi mon ami, des fois. J’écris de la poésie mais aujourd’hui, je te la dis.» OK, je dessine ton Triangle mais je te donne aussi un carnet pour écrire.


Regard perplexe. Signe de la tête vers une autre personne. Sourire discret. «Allô!»


«Les balcons des nouveaux condos sont vides. Ils pourraient accueillir un peu de vert.»


La ville est un carrefour de restrictions. On reçoit les critiques pour la Ville.


«Le fleuve se naviguait en bateau de bois. On pouvait pêcher. J’allais avec mon père. C’était la nuit. Brochet, perchaude, doré, anguille de trois pieds, carpe, esturgeon, au bout de mon île. Le bon vieux temps.»


«Le cœur de la ville est le centre-ville, mais y’a pas assez de nature.»


On s’arrête dans la ruelle du Old Mission Brewery.


On s’assoie par terre pour dessiner. Le sucre sert de métaphore à l’abondance. «La cerise sur le sundae. Le top du top. Tsé, le dessert. C’est ça, Montréal.»


On dessine des poignées de main.


Tracer le réseau du métro pour illustrer toutes les ressources gratuites sur le territoire de l’île.


«Salut mon frère!» [discussion en langue portugaise]. «Moi, je vais écrire un truc en français.» Il écrit sur un épisode de solidarité entre personnes itinérantes. Quelqu’une a volé pour lui un sandwich à l’épicerie. «La vie dans la rue, c’est survival.»


«J’ai fait un rêve, un voyage astral.» Il pige au hasard le livre Le Petit prince. «Je connais pas.» Ah ben, c’est un peu un voyage astral, quel adon! Tu vas voir, c’est bon.


«Moi aussi, je vais écrire». Il écrit sur un souvenir dans la voiture de son père qui avait une bière entre les jambes en conduisant.

Dans l’Est. On est toujours dehors, dans la cour du Cap San Barnabé qui ouvrira sous peu pour offrir un repas. Il fait soleil, le vent souffle dans les arbres, nos papiers et outils de médiation s’envolent.


«Je me rappelle la rue Sherbrooke, le bonhomme de la Saint-Jean-Baptiste. J’apportais du lait, une chopine de lait, et on achetait des biscuits quand on allait voir le défilé.»


«Il faudrait plus d’arbres fruitiers.»


«Je socialise dans les ressources d’aide, c’est très important. Merci.»


Il y a plusieurs personnes qui me parlent en même temps.


«It smells clean, pools are clean, they have water


«I can hear the birds. I do art but I don’t like museums


«Je donne au chat des bols d’eau par ma fenêtre. I would like to give them a home


Il y a un livre sur l’histoire de Montréal sur notre table. Sur la couverture, un dessin du Stade Olympique. «J’ai un cadre brisé chez nous du Stade en construction.»


«Je me suis blessé sur le béton brisé dans les marches de mon HLM. C’est cher les HLM, et ils ne sont pas en bon état. C’est injuste.»


«Les gens sont gentils dans Hochelaga. On aime aller au Vieux-Port.»


On remballe notre matériel avant un dernier échange.


«Les arbres ici ont le même âge que moi.»


«Le Pool-room Papaye, où il y avait des danseuses à gogo, la traite des Blanches, ma sœur.» Et «sur un balcon, Ginette Reno chante, toute mince».


«L’odeur d’humidité de la terre battue du centre de la cage d’escalier de mon bloc brun où je restais.»


On nous demande ce qu’on fait là avec ces gens. Est-ce qu’on a l’autorisation d’être ici? La bannière Exeko nous sert de signal à la bienveillance. On donne des cahiers, des livres, des crayons, des carnets de dessin et des certificats de participation aux personnes qu’on rencontre.

Les minutes qu’on échange avec chacune de ces personnes sont actuelles.




Photos: Batone Néto



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