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De l’idée à l’action : comment sont nés les premiers outils relationnels de l’hippocampe

par Raphaëlle de Groot et Gabrielle Larocque


Artiste et collaboratrice de l'Hippocampe


Juillet 2022



« J’ai de l’espoir pour notre ville qui a besoin d’être rebâtie,

tant les infrastructures que les dynamiques sociales. »

Luisa


« Montréal, c’est un grand combat. »

André


L’idée de la cueillette des sens des Constellations de l’hippocampe a pris forme pendant l’été 2021, au fil de brainstormings avec plusieurs membres de l’équipe d’Exeko, un organisme montréalais qui lutte contre l’exclusion sociale. Batone Néto, Dorothée De Collasson, Emma Tilquin, Marie-Paule Grimaldi et Valérie Richard ont réfléchi avec nous à des façons de s’adresser à des personnes qui, pour diverses raisons, vivent des situations de mise à l’écart, d’isolement, de vulnérabilité ou de précarité. Il nous semblait vital que leurs points de vue puissent se manifester dans la démarche participative à la base de la création de l’œuvre qui, rappelons-le, est développée pour le MEM - Centre des mémoires montréalaises comme initiative d’art public. Pour y parvenir, il était essentiel d’être en dialogue avec des pratiques de médiation qui placent ces réalités au centre de leur travail. La posture d’Exeko nous a, en ce sens, interpellées. Son approche, qui « reconnaît le potentiel de chacun et chacune à réfléchir, analyser, agir, créer et être partie prenante de la société, quels que soient sa situation ou son parcours », vise à valoriser et outiller les différences. La démarche des médiatrices et des médiateurs qui collaborent avec l’organisme est orientée par le souci de mettre en place des dynamiques de rencontre et d’échange dans une perspective d’autonomisation et de « capacitation » (empowerment).


Ces nuances sur le « comment » et les façons de solliciter la participation dans le processus de création sont significatives car, bien que notre but fût effectivement de générer une matière et des contenus avec lesquels développer l’œuvre, cela n’était pas une fin en soi. Nous avons engagé une démarche sans attentes particulières et sans viser de résultats précis. Il nous importait surtout d’être à l’écoute et de faire émerger des formes de réciprocité. Nous avons ainsi cherché à susciter et à faciliter des moments de partage qui, dans l’instant où ils se déroulaient, participaient au quotidien des personnes rencontrées. Ces moments se trouvaient à offrir en même temps un espace, celui du projet, où inscrire des réflexions personnelles ou collectives en relation à la ville. La participation avait une valeur pour nous dans la mesure où le fait de partager un point de vue ou une expérience était d’abord significatif pour les personnes vers qui nous sommes allées. Cette importance et ce poids accordés au geste même de participation, particulièrement au regard de personnes en situation d’exclusion ou à risque de l’être, nous a mobilisées d’une manière singulière en nous rendant redevables. Cette relation nous amène à nous interroger sur ce que nous offrons en retour et comment nous le faisons, dans la réalisation du projet et à travers la pérennité de l’œuvre au MEM - Centre des mémoires montréalaises. Ce contexte permet effectivement de développer et de poursuivre certains liens dans le temps. Reste à voir ce qui adviendra de ce potentiel!

Mais revenons au récit de la collaboration avec Exeko. À la suite de nos brainstormings de l’été 2021, Batone Néto et Valérie Richard ont accepté d’amener Les constellations de l’hippocampe sur leurs terrains respectifs : Batone, lors de ses sorties avec la « caravane philosophique » idAction mobile, et Valérie, à travers des ateliers offerts dans des organismes communautaires où elle menait déjà des activités. Au fil de ces deux collaborations, nous avons conçu un matériel d’accompagnement qui a été utilisé par la suite, tout au long des autres cueillettes que nous avons réalisées avec d’autres collaboratrices et collaborateurs ailleurs dans la ville.


Les sorties avec la mobile

Batone a stationné la mobile au centre-ville, à la Place Émilie-Gamelin et dans la ruelle de la Old Mission Brewery, et dans Hochelaga-Maisonneuve, au Cap Saint-Barnabé. Il a travaillé principalement avec Gabrielle et aussi avec des collègues d’Exeko, Lucas Marais et Anne Cloutier, lors d'une sortie. À chacun de ces endroits, nous avons déployé une table avec des supports pour recevoir les réponses aux questions sur les cinq sens : « Qu’est-ce que Montréal goûte ? Qu’est-ce que Montréal sent ? etc.» La sélection de livres à donner, de laquelle est toujours équipée la mobile, a été orientée vers Montréal et son histoire, ce qui servait également de déclencheur à l’échange avec les personnes rencontrées. Des sujets fondamentaux, tel que l’accès à la nature, ont été nommés durant ces sorties.


Les ateliers

Valérie a conçu deux types d’ateliers qu’elle a menés dans trois organismes en octobre 2021 : à l’Auberge Madeleine, au PAS de la rue et à la Maison des amis du Plateau Mont-Royal. Le premier était aussi axé sur l’expérience de la ville à travers les cinq sens. À partir de questions guide comme « Quelle est l’odeur de Montréal ? », «Une image qui représente Montréal pour moi…?», «Quelle est la texture de la ville?» et les supports développés ensemble pour le projet, les participants et les participantes ont partagé des souvenirs et des sensations de plusieurs façons : à travers une création (dessin ou collage), grâce à un enregistrement vocal ou encore par un écrit. Le deuxième atelier portait sur les façons d’habiter la ville avec l’objectif de susciter une discussion de groupe : De quelle façon Montréal inclut ? De quelle façon Montréal exclut ? Les personnes participantes ont indiqué sur une grande carte des endroits clés qui ont été importants pour elles. En échangeant sur les idées, les sensations et les souvenirs associés à ces lieux, des thèmes et des enjeux sociaux sont apparus et ont été discutés en groupe. Ces premiers exercices nous ont permis d’aiguiller les ateliers suivants à travers une réflexion essentielle.


Les expériences sensorielles, physiques et émotives que nous avons de Montréal se présentent en autant de variétés que la diversité des personnes qui y vivent. Si cette diversité peut sembler évidente, elle révèle quelque chose qui l’est peut-être moins, soit ce que nous avons en commun : ressentir la ville et, à travers elle, le monde dans lequel nous vivons. Ce lien qui fait apparaître des motifs d’attachement autant que de tension, de blessure et de rupture, est peut-être un des seuls que nous avons pour s’écouter et parler ensemble. C’est ce qui nous a amenés, dans le projet des Constellations de l’hippocampe, à envisager les différents moments de participation comme un même échange se développant dans le temps. Cela nous a aussi permis de concevoir le matériel et les supports d’accompagnement des étapes comme des outils relationnels.

Merci aux membres de l’équipe d’Exeko qui ont accompagné Valérie lors de ces ateliers : Nellie Soland et Tiphaine Barailler, ainsi que Batone et Dorothée, mentionné.e.s plus haut.




Notes de Gabrielle, brainstorming du 20 juin 2021



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