par Jérémie Dubé-Lavigne
Collaborateur de l'Hippocampe
Janvier 2022
J’ai d’abord connu Montréal en marchant. Ça a commencé par les rues de Villeray, le quartier qui m’a vu naître il y a presque 30 ans. À chacune de mes balades, ma vision de ce quartier s’agrandissait, repoussant les frontières de mon quotidien habité, au-delà de l’autoroute Métropolitaine et de la rue Jean-Talon. Un peu plus tard, j’ai su qu’il y avait autres choses, d’autres personnes à rencontrer et à écouter. Et ce projet Les constellations de l’hippocampe des Vélos citoyens du Centre des mémoires montréalaises (MEM) incarne bien cette envie de traverser les lieux et de voir cet ailleurs près de chez soi.
Avec Sébastien et Marie, nous avons parcouru la ville à hauteur de bicyclettes rouges. Ce moyen de transport nous a permis de porter un regard à échelle humaine sur les quartiers visités, et surtout d'être présents et présentes auprès des personnes qui y habitaient. Nous avons aussi pu sentir les changements de quartiers, voir les frontières physiques et psychologiques qui les séparent, et ainsi comprendre leurs nuances d’identités. Car chaque quartier de cette ville est un milieu de vie avec ses lieux communs, ses points d’ancrage et ses enjeux qui lui appartiennent.
Il y a toute sorte de monde à Montréal. Des variations de vies et de vécus où les sens sont perpétuellement éveillés. Et c’est cette expérience sensorielle de la ville que nous avons voulu capter par ce projet l’automne dernier. Car il semblerait que nos sens sont un de nos premiers contacts avec ce qui nous entourent, et tendent ensuite à s’accumuler dans notre mémoire corporelle.
« Et si vous deviez manger Montréal, qu’est-ce qu’elle goûterait ? »
C’est souvent par cette question que nous abordions les gens qui venaient nous voir. Dite comme ça, la formule est comique, mais porte aussi à réfléchir et met les interlocuteurs et les interlocutrices dans un état d’attention de leurs propres sensations. Et avec l’aide de crayons, de cartons, de pâte à modeler, ou simplement de la parole, ils et elles nous ont confié l’imagerie de leur ville. Pour certains et certaines, c’était par l’évocation de sensations passées venant de l’enfance qui se manifestent encore aujourd’hui, et pour d’autres, c’était par une vision franche et éclairées des enjeux particuliers à chaque quartier. Par cet angle, Montréal prend alors toutes sortes de formes, et fait émerger de nouvelles possibilités qui s’approchent de la poésie.
Cette poésie est ce qui était le plus beau dans ce projet. Nous nous présentions devant les citoyens et les citoyennes, sans vouloir leur vendre quoi que ce soit, et ils et elles se laissaient parler. Dépassant la curiosité ou la méfiance de notre présence, leurs mots prenaient formes autour de leurs expériences du quotidien en créant alors des échanges généreux et uniques. C’est par ces dialogues que se révèlent une variété de perceptions. Et quand nous accumulons toutes ces histoires, ces visions singulières « des » Montréal, c’est toute notre mémoire collective qui se retrouve enrichie.
Photos de Jérémie Dubé-Lavigne et Sébastien Neveu
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